Dans vos quotidiens : fromage ou dessert ?

Publié le par usr-cgt06

Revue de presse

 

Informer rime parfois avec simplifier. Si le congrès de la CGT donne lieu à une large information, celle-ci n’est pas exempte de simplification. Un tribut à payer à la complexité de la période et ses contradictions ? Avouons que l’objet n’est pas simple et défie la logique, quelque peu binaire, qui fleurit sous la plume de nombre de commentateurs…


Blanc ou noir. Jean Pierre Bédéï, dans la Dépêche (18 mars), pose très clairement les termes d’une alternative « fromage ou dessert ? », dans laquelle il enferme le congrès : « Le millier de délégués qui se réunira durant cinq jours devra décider de l’orientation – privilégier la lutte ou la négociation – et décider des stratégies d’alliances, alors que les relations avec l’autre grande centrale, la CFDT, se sont nettement refroidies. » Une grande partie de la presse est au diapason et dresse un bilan au mieux contrasté.


Nathalie Birchem, dans La croix (18 mars) estime, non sans contradictions, que « la CGT n’avance pas non plus beaucoup de propositions. Peu d’idées ont émergé sous l’ère Thibault. Ainsi, la “sécurisation sociale professionnelle”, invention CGT destinée à construire des transitions pour les salariés entre deux emplois, a été supplantée dans le débat public par la version CFDT du concept. Au final, la CGT, sous Bernard Thibault, est-elle restée le premier syndicat français ? Première dans les élections, la CGT passe deuxième pour le nombre d’adhérents, derrière une CFDT qui utilise cependant un mode de calcul plus avantageux. Loin d’atteindre le million d’adhérents, comme il le souhaitait, Bernard Thibault a néanmoins réussi l’exploit de stopper l’hémorragie des adhésions, qui remontent légèrement. »


Dans les Echos (18 mars), Jean-Francis Pecresse ne mâche pas ses mots : « Un canard sans tête. En forçant à peine le trait, c’est l’image que peut donner la confédération générale du travail (CGT), à l’ouverture d’un 50e congrès au terme duquel, après quatorze années passées à la diriger, Bernard Thibault doit passer la main à Thierry Lepaon. Rarement la principale organisation représentative des salariés – une notion toute relative dans un pays où le taux de syndicalisation n’excède pas 8 %... – aura paru aussi désorientée, écartelée sur la stratégie à suivre comme sur les méthodes à utiliser. Comme le dit le chercheur Jean-Marie Pernot, elle avance “le nez au vent”. La contradiction est générale entre la base et le sommet. Une base capable de dérives radicales, pour ne pas dire illégales, comme à l’usine Goodyear d’Amiens ou à l’usine PSA d’Aulnay. Un sommet qui tente de ménager une relation responsable, respectable, avec les autres confédérations, et surtout avec un pouvoir politique socialiste pour l’arrivée duquel il a milité, reniant sa tradition à peine retrouvée d’indépendance. »


Sur un mode plus analytique, Jean-Christophe Chanut partage le même point de vue : « La CGT est un bateau ivre, sans réelle ligne et manquant de colonne vertébrale, faute de vrais débats internes sur ses orientations, ses choix. Syndicalisme d’accompagnement ou d’opposition ? On ne sait plus très bien. Au point que l’on peut davantage parler des CGT que de la CGT. »

Un diagnostic partagé par Marc Landré dans le Figaro (18 mars) : « C’est peu dire en effet que la CGT, le premier syndicat de France, qui tient cette semaine son 50e congrès à Toulouse, est aujourd’hui “en guerre”. En guerre contre François Hollande, qui ne cesse de faire des cadeaux au patronat et oublie que ce sont les salariés qui l’ont fait élire, contre la CFDT, qui a négocié un accord sur l’emploi “scélérat et destructeur” contre la rigueur qui enfonce la France dans la récession. »


20 minutes (18 mars), se montre plus nuancé : « La CGT serait-elle ce “Cancer généralisé du travail”, selon le mot de Coluche ? Ou “un syndicat de fous“, comme l’estime Maurice Taylor, le PDG de l’américain Titan ? “C’est une vision réductrice. La radicalité de certains a détruit des pans entiers de notre économie, comme le secteur du livre ou celui de la manutention portuaire. Mais d’autres font un travail pertinent”, note un observateur.


“Il y a beaucoup de diversité à la CGT, souligne Dominique Andolfatto, spécialiste du syndicalisme, et si le discours au niveau national est très politique, la CGT est plutôt pragmatique localement”. “Dans les entreprises, la CGT signe, chaque année, 80 % des 30 000 accords qui lui sont présentés. Elle est donc bien dans le compromis“, abonde Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail. »


Michel Noblecourt, lui, relève dans le Monde (18 mars) les propos de Thierry Lepaon au journal L’Humanité Dimanche du 14 mars : « Je ne veux pas d’une CGT qui se contente de dire non » et le journaliste note que dans le même entretien, Thierry Lepaon prend ses distances avec Jean Luc Mélenchon, dont la présence était annoncée lundi au congrès de la CGT en affirmant : « La CGT n’est pas et ne sera pas le bras armé du Front de gauche ». « Un état d’esprit que l’on retrouve dans le projet de document d’orientation, élaboré avant l’accord du 11 Janvier, où la CGT refuse d’être enfermée dans un “syndicalisme de réaction”. Une stratégie de “conquête sociale” qui suit la priorité donnée par M. Thibault à l’implantation dans les “déserts syndicaux”. »


Enfin, Michel Noblecourt conclut en rappelant que « M. Lepaon, qui juge “vital” de chercher l’unité d’action au nom du “syndicalisme rassemblé”, devra envoyer des signaux. Après Toulouse. »


Tranchant avec ces commentaires aigres-doux, Jean-Paul Piérot estime dans l’Humanité (18 mars) que « la campagne anti-CGT, relancée notamment dans la dernière période à l’occasion du conflit Goodyear ou de PSA, n’obtient pas les résultats escomptés par ses fomenteurs. Les chiffres en attestent – des élections prud’homales (2008) jusqu’aux très petites entreprises (TPE) (2012) : la centrale présidée par Bernard Thibault, qui va passer le relais à Thierry Lepaon au cours de ce congrès, arrive en tête de toutes les organisations syndicales.

Ce capital de confiance qui émane du monde du travail est évidemment un atout. » Mais le journaliste souligne un « paradoxe du syndicalisme français » qu’il appelle à « dépasser : il est combatif, représentatif de la colère et des aspirations des salariés, au point que dans d’autres grands syndicats européens l’on envie souvent “les luttes à la française”.

Mais le faible taux de syndicalisation (8 % des salariés) qui affecte toutes les composantes syndicales représente un manque à gagner que les dirigeants de la CGT semblent décidés à corriger. Un syndicat fort d’un million de militants, la fin des “déserts syndicaux” permettront de peser davantage face à la radicalisation du capital. »

Une hypothèse qui relève du possible si l’on en croit le sondage Ifop-Humanité réalisé en fin de semaine dernière et selon lequel « 50 % des salariés ont une bonne opinion de la CGT, 54 % pour le secteur public et 48 % pour le privé. Les femmes sont plus nombreuses (49 %) à en avoir une bonne opinion que les hommes (40 %). Enfin, les 18-34 ans sont plus de 60 % à apprécier la CGT. »

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